Les Cahiers de Persault

"Illuminer grâce à la lumière du Christ notre Seigneur" - saint François Xavier

23 octobre 2006

Pèlerinage à Javier (III)

LA NAVARRE : UN ROYAUME INSTABLE ET MENACE

Un terrain miné

1.- La Navarre est un pays depuis longtemps éprouvé quand saint François-Xavier y voit le jour. Les XIVème et XVème siècles avaient déjà été des périodes de crise profonde : dépenses ordinaires et extraordinaires du royaume toujours croissantes, non couvertes par les recettes, et dues aux en particulier aux campagnes militaires menées en France et en Espagne ; perte de la valeur de l’argent, due à des dévaluations fréquentes et à un recours immodéré à l’émission de monnaie ; chutes démographiques profondes. La Navarre a perdu 40% de ses « feux » (foyers) entre 1347 et 1350. Ces chutes ont principalement pour cause, comme dans le reste de l’Europe, la grande peste (1348). En 1350, la merindad de Estella, qui avait alors la densité de population la plus élevée du royaume, avait perdu 62 % de sa population.

Ces chutes ont provoqué une désaffection correspondante des terres cultivables. On estime que pour cette période, dans les seules merindades de Pampelune et Sangüesa, plus de 80 % des terres abandonnées n’ont pas été de nouveau cultivées, ce qui eut de graves répercussions à la fois sur la noblesse, dont les rentes seigneuriales ont sensiblement diminué, et sur la paysannerie, très affectée, dont les charges ont alors augmenté. La situation de cette dernière, de plus en plus difficile, a provoqué de nombreuses révoltes.

Endettements des familles, morcellement des patrimoines, développement aussi de la violence. Beaucoup, même nobles, voient dans la guerre le seul moyen de s’enrichir, voire simplement de subsister. Ils se mettent alors au service de seigneurs plus fortunés, fût-ce comme simples hommes de pied ou comme archers, en s’endettant davantage encore pour s’équiper. C’est le cas, en particulier, de petits seigneurs de Basse-Navarre. La guerre devient de la sorte une alternative économique appréciable à la crise des rentrées seigneuriales, avec ses perspectives de soldes, de récompenses et de butins. Les prisonniers étaient objets de rançons, leurs armes de possession.

2.- Certains servent simplement leur roi. D’autres se vendent comme mercenaires à d’autres puissances en guerre, l’Angleterre, la France, l’Aragon ou la Castille. Ce fut le cas, en particulier, du seigneur de Azpilcueta, qui intervient (comme beaucoup d’autres) dans les querelles de succession au trône d’Aragon, en 1410, contre les ordres pourtant formels de sa souveraine, la reine Leonor. D’autres ne dédaignent pas, plus trivialement, le brigandage sur les frontières ou la participation à des bandes de pillards, y compris sur des terres navarraises.

Un épisode aussi significatif qu’étonnant mérite à cet égard d’être évoqué, même s’il nous écarte quelque peu de notre sujet. Le roi Charles II de Navarre [dit “le Mauvais”] avait un frère, Louis d’Evreux, infant de Navarre, qui épousa en 1366 Jeanne de Sicile, duchesse de Durazzo [aujourd’hui Durrës, en Albanie]. Or il advint, en 1368, qu’un seigneur local, Charles Topia, s’empara de cette ville. Pour la reconquérir, Louis d’Evreux confia à un capitaine de mercenaires, Ingeram de Coincy, le soin de lever mille hommes en Gascogne, lanciers et archers. Les préparatifs de guerre durèrent près de trois ans, avec l’aide financière du roi de France. De nombreux chevaliers navarrais se joignirent à cette entreprise, et la “Compagnie navarraise” s’embarqua à Tortosa entre février 1375 et juin 1376. Durazzo fut reprise l’année même mais Louis d’Evreux y perdit la vie. Par un étonnant concours de circonstances, ce seront notamment des mercenaires albanais qui tenteront d'aider la Navarre, 140 ans plus tard, à recouvrer sa liberté contre les castillans.

Jeanne se remaria bientôt avec Robert d’Artois. Privée de son chef et estimant être déliée de tout engagement à l’égard de Jeanne de Sicile, incapable au demeurant de revenir en Navarre, la Compagnie dut demeurer trois ans à Durazzo. Elle s’y organisa en une sorte de « république militaire autonome » et s’y donna quatre chefs : Pierre de la Saga [ou Laxague], Mahiot de Coquerel, Jean d’Urtubie et un Garro. Après de vaines négociations pour entrer au service du roi d’Aragon, ces guerriers aguerris servirent en trois ans (1378-1380) trois maîtres différents : Nerio Acciajuoli, seigneur florentin de Corinthe, Jean Fernández de Heredia, grand-maître de l’ordre de l’Hôpital, et enfin Jacques de Baux, prince titulaire d’Achaïe, qui fut le dernier prétendant latin à la couronne impériale de Byzance. Il est impossible, malheureusement, d’entrer ici dans le détail de ces campagnes singulières qui firent un temps d’Athènes et de Thèbes, sous le commandement de Jean d’Urtubie, des contrées… navarraises. Il suffit à notre propos de les évoquer pour donner un exemple notable de ce que put être l’aventure mercenaire de ces temps-là.

3.- Les historiens modernes soulignent le fait que ces crises, démographiques, financières, politiques, ont provoqué, au sein même de la noblesse, un affrontement pour le contrôle des rentes, des terres et des seigneuries, afin de compenser la perte des rentes ordinaires par l’incorporation de nouveaux espaces de revenus. On cite, à cet égard, comme exemple le plus représentatif, l’affrontement qui eut lieu en Basse-Navarre entre les maisons ou “bandes” [mot qui signifie ici “partisans”, voire, étymologiquement, “bannières”] de Gramont et de Luxe. Ce conflit, qui commença dès la première moitié du XIVème siècle, se prolongea pendant plus d’un siècle, jusqu’à s’identifier quasiment à la guerre civile qui allait définitivement épuiser la Navarre à compter de 1450 avant qu’elle ne tombe, comme un fruit mûr, entre les mains de la Castille du très rusé Ferdinand le Catholique.

(à suivre)

Sources bibliographiques :

Jon Andoni Fernández de Larrea Rojas, Guerra y sociedad en Navarra durante la edad media, Universidad del Pais basco, Bilbao 1992.

José María Lacarra, Historia del reino de Navarra en la edad media, Ed. Caja de ahorros de Navarra, 1975.

José A. Lema, Jon A. Fernández de Larrea, Ernesto Garcia, José A. Munita, José R. Diaz de Durana, Los señores de la guerra y de la tierra : nuevos textos par el estudio de los Parientes Mayores guipuzcoanos (1265-1548), Archivo general de Guipuzcoa, San Sebastián 2000.

Antonio Rubio Lluch, Conquista de Tebas por Juan de Urtubia (episodio de historia de los Navarros en Grecia), Ed. Imprenta de la Diputación de Guipúzcoa, San Sebastián, 1923.

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Merci pour ces informations très utiles... Il y en a un qui va être content sûrement de vous lire.
Je pense à Henri Bruno...
Quelle belles familles quand même. Cela enrichit mes connaissances quant à la mienne et c'est appréciable. Merci.

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Anonymous Anonyme said...

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